Lundi 10 août 15 écrit par François Guerrieri – Instructeur Arnis Kali WADR – CN 3e degré
Revenir à Lanuéjouls pour participer au stage annuel de Doblete Rapilon organisé par la WADR, c’est retrouver notre maître, Dani Faynot, ainsi que tous ces visages amis connus parfois de longue date. C’est une promesse de partage…c’est aussi et surtout une forme de retour à la Terre.
Arrivés la veille, nous avions tous rendez-vous à 7h30.
La brume, humide au point qu’il est désormais impossible de faire croire à un enfant, foulant cette terre chargée d’une histoire témoignant de son indocilité, que les nuées seraient ces étendues cotonneuses sur lesquelles se coucheraient les anges pour veiller sur nous, nous rappelait incessamment combien respirer de la flotte est contre nature.
Le stage commença par la mise en pratique implicite de ce principe voulant qu’un combattant se doive de prendre possession d’un nouvel espace.
Et de l’espace ici, il y en a.
Petite course, traversée du champ en diagonale, encore, puis encore…et encore. Cheminer ainsi, aller pour revenir, trotter…se balancer des pneus, fléchir les genoux sans jamais les poser à terre (ô âme rustique qui prend possession de nous) amener son visage à caresser l’herbe avant de s’élever à la force des bras…encore et encore…
Frapper, inlassables, des pneus accrochés à de fiers poiriers impassibles semblait un Eldorado enchanteur à ceux qui, à tour de rôle, prenaient leur tour et quittaient la zone ou flexions en tous genres rappelaient à chacun que son corps ne lui est jamais totalement soumis.
La première heure fut physique, éprouvante, elle tint ses promesses, la Terre, déjà, semblait m’appeler par mon prénom et tous nous la narguions en allant et venant, affairés à pomper…
C’est alors que la seconde heure s’inscrivit dans un continuum brulant la chaire de l’intérieur pour mieux faire couler la sueur par-delà l’humidité ambiante. Travail sur les frappes issues des 12 angles de bases en deux groupes, nous révisâmes les contres avec JD cependant que d’autres s’en furent avec Lionel. Tous deux demeuraient scrupuleusement patronnés par Dani, toujours aussi volubile et prompt à nous reprendre, nous stimuler, nous éprouver.
Puis nous travaillâmes la notion de « curseur » qui consiste à décrire l’amplitude d’armement d’une frappe que l’on s’autorisera afin de contre-attaquer, par exemple, sans s’exposer inconsidérément en fonction de la distance de combat notamment.
Ce concept sera décliné au fil de différents exercices de blocages pratiqués avec des gants de protection afin de pouvoir affiner le travail en puissance sur la main de l’adversaire, mode opératoire caractéristique des arts martiaux philippins.
Les frappes pleuvent et enfin le soleil triomphe, la chaleur nous assaille : c’est le milieu de la matinée.
On se course histoire de briser ce qui n’avait rien de monotone, on remonte le champ à reculons histoire d’être certains de ne jamais oublier que courir est éprouvant et que pratiquer les arts martiaux, c’est souvent faire des choses parfaitement incongrues aux yeux des autochtones.
Vient alors la troisième heure : le temps passe vite mais la densité du travail comme de l’enseignement creuse un sillon qui nie l’idée pourtant répandue de sa fugacité.
Chacun va travailler une arme spécifique afin de se perfectionner. Plusieurs groupes ont été constitués : Espada y daga, Mimar, couteau contre couteau, doble baston et, pour les instructeurs, arka (une arme vraiment singulière et spécifique au regretté Gran Master Mena).
Amenés au sol et projections sont une nouvelle occasion de répondre à ce lancinant appel de la Terre et je dois me résoudre : tout, ce matin, me ramène à elle.
Le travail est technique et couronne cette matinée terrassante qui s’achève, pourtant, dans le bain d’une accablante lueur que je reçois comme la récompense emblématique de l’étude.
C’est enfin l’heure du repas. Comme l’an dernier, Anna, notre hôtesse nous gratifie de spécialités culinaires philippines. Sa maîtrise de cet art nous comble et force l’humilité du besogneux que je demeure, elle excelle à produire de quoi nourrir notre assemblée à profusion sachant que le plat est exotique et proprement délicieux. Son Tinolang Manok que je tenterais de décrire comme un bouillon de viande agrémenté d’épices et de gingembre est une merveille. Le dessert, un Maja Blanca, parachève ce moment de convivialité où tout est délicieux.
Mais file le temps entre les mains des trois sœurs qui tissent dans le seul but de nous rappeler, toujours, que tout à une fin.
La formation instructeur commence et nous quittons la table non sans donner un coup de main à la remise en ordre des lieux.
Nous passons un à un pour illustrer le thème, la posture, le mode ou le type d’enseignement que le maître du stage nous a attribué la veille. Nous révisons donc sur le grill, en animant, face caméra, un cours qui sera disséqué en débriefing.
C’est ainsi une double occasion de pratiquer derechef tout en améliorant notre façon d’enseigner.
L’épreuve est désagréable probablement même pour les plus narcissiques, mais l’esprit de camaraderie prévaut et le moment, enrichissant, est en prime convivial.
Fatigués quoique enthousiastes, ce premier jours de stage s’achève sur la promesse de recommencer demain.
A 18H00 passé, la journée en aura valu plusieurs, mâtinant d’or ce fil rongé qui, malgré la fatigue, ne demande pas à être coupé de si tôt. Je rentre donc en ayant quelques cours et rapports à rédiger.
Jusqu’à l’année dernière, j’ignorais jusqu’à l’existence de Lanuéjouls mais quelque chose s’y est passé et me voici revenu sur cette terre dont j’aurais bouffé l’herbe plus que nulle autre ailleurs.
Texte de François Guerrieri
Photo de Valérie.