Il est couramment admis que l’origine des arts martiaux Philippins nous vient de l’Inde. Beaucoup pensent que le kalaripayat fut introduit aux philippines par les vagues de migrations venues d’Indonésie à une époque où la péninsule malaise et Sumatra étaient reliés par un chapelet d’îles « l’Archipel Riouw ». Les Philippines auraient été reliées à Bornéo par une autre connexion terrestre. Certains prétendent que le Tjakalele indonésien et le Malay Silat Melayu sont les deux arts de combat qui furent introduits aux Philippines par ces deux routes aujourd’hui submergées.
Histoire des techniques de combat aux Philippines
Comme nous l’avons vu au chapitre précédent et d’un point de vue historique, nous n’avons aucune preuve de la véracité de ces théories. Il faut noter cependant que dans une culture insulaire, l’océan ne sépare pas les îles mais les relie et que les échanges sont beaucoup plus aisés par mer que par voie terrestre. Il suffit de consulter une carte pour constater que les distances maritimes sont courtes. D’autre part les vents dominants lors de la mousson (Abagat et Amihan) favorisent la navigation entre les différentes îles et archipels de la région. Nous pouvons donc admettre cette influence sans trop de réserves. Que ce soit par voie maritime ou terrestre ne change rien à l’affaire. Il serait par contre inexact de voir dans ces arts l’origine unique des arts martiaux Philippins.
La réalité historique est beaucoup plus nuancée. La notion d’art martial originel fait référence à un « âge d’or » symbolique où l’art était perfection. Il s’agit, encore une fois, de ce que les anthropologues appellent un mythe fondateur dont la fonction n’est autre que de justifier des actes politiques et des pratiques religieuses ou sociales sur la base de ce qui fut. Parfois, cela sert aussi d’excuse pour annexer des territoires.
Nous devons rester attentifs aux phénomènes de justification. L’histoire nous rappelle que les actes les plus atroces de l’histoire de l’humanité sont perpétrés au nom de mythes fondateurs: Souvenez-vous des crimes du nazisme commis au nom du mythe de la race Arienne. Pour reprendre l’exemple des Philippines, certaines communautés espèrent sans doute rattacher directement Mindanao à l’Indonésie pour des raisons politiques et économiques et le kali devient à ce titre un vecteur de violence qui coûte parfois la vie à d’innocentes personnes sur des fondements politico-religieux douteux. Si nous avançons des informations, nous nous devons d’en évaluer la portée et la justesse.
Au neuvième siècle, la Dynastie Tang étend son emprise commerciale sur l’Asie et développe ses échanges commerciaux avec les Philippines à partir de la Malaisie et de l’Asie du sud-est. C’est à cette époque que nous pouvons noter l’influence sur le Kali philippin des méthodes de combat comme le Silat indonésien et le Kuntao (Kuntaw).
Il existe plusieurs légendes, malheureusement invérifiables. Nous ne disposons que de très peu de documents pour établir la réalité historique et les documents existant furent altérés par le pouvoir colonial hispanique puis transformés par les moines catholiques en charge « d’éduquer les sauvages ». Voici ce que la tradition orale rapporte.
Pour en savoir beaucoup plus: lisez « Les Guerriers Magiciens«
Les dix Datus (chef de village) qui quittèrent Bornéo pour s’installer dans l’île de Panay au treizième siècle établirent le Bothoan. Dans cette école venaient se former les futurs chefs de tribu dans les domaines de l’agriculture, de la culture mais aussi de l’art de la guerre. L’apprentissage du Kali était certainement similaire à cette époque aux arts indonésiens et malais.
Au Quatorzième siècle, une forte vague de migration déferla sur le sud des philippines en provenance de la Malaisie. Ces immigrants furent les ancêtres des Philippins musulmans de la mer de Sulu et du sud de Mindanao que les espagnols désignaient sous le terme de Moro (Maures). Jusqu’au seizième siècle leur influence sur la région se fit plus forte, notamment dans les domaines religieux avec la propagation de l’Islam. Ceci influença fortement les mœurs et coutumes (comme la circoncision ou les mariages), la symbolique mais aussi les arts du combat. Plusieurs styles de Kali gardent encore aujourd’hui une forte influence culturelle islamique. Nous pouvons noter l’utilisation des différentes armes qui existent encore aujourd’hui, telles que les lames Kriss et certains sabres en forme de croissant, héritage de cette époque.
Il est dit que Datu Mengal fut le premier à apporter son art du Kali à Mactan Island (dans les Visayas). Durant l’empire Majapahit, Sri Bataugong et son fils Sri Bantung Lamay développèrent l’art du Kali dans l’île de Cebu, encore aujourd’hui l’un des centres les plus actifs des arts philippins. Le fils de Datu Mengal, Raja Lapu-Lapu avait son propre système de Kali, connu sous le nom de Pangamut.